jeudi 16 avril 2020

Nouvel Enseignement de l'Abbé de Kanshoji

Chers amis,

Nous espérons que vous allez bien. Ici à Kanshoji tout se déroule très bien. Le ango se termine le 15 avril, certains rentreront chez eux, d’autres resteront plus longtemps.

Comme nous vous l’avions dit dernièrement, en ces temps de confinement, nous vous enverrons régulièrement des enseignements donnés à Kanshoji par l’abbé. Voici celui du 9 avril au matin. À méditer.

Kusen


Aujourd’hui tout le monde s’accorde sur le fait qu’il faudra changer notre façon de vivre après l’épidémie. Chacun est d’accord sur le fait qu’il faut repenser le monde, faire preuve de plus d’empathie, de moins d’individualisme, de plus de partage, de moins d’égoïsme. Penser comme cela est juste, mais ce n’est pas suffisant. Il ne faut pas sous-estimer la force du karma. Il est très difficile d’échapper à l’emprise du karma. Nous sommes parfois comme une bille de plomb dans une rainure d’acier, impossible de changer la trajectoire de sa vie. On voudrait bien, mais on n’y arrive pas. La force du karma est redoutable.

Nous abordons aujourd’hui le dernier cycle du ango. Aussi est-il important de quitter le ango en revenant aux fondamentaux du bouddhisme : entendre, réfléchir, faire sien cette vérité que :

La totalité du karma accumulé a pour origine les conceptions erronées.

Avoir cette connaissance sur la racine du karma est un outil très puissant pour sortir des ornières de son karma.

La totalité du karma accumulé a pour origine les conceptions erronées.

Et le soutra se poursuit : 

Si une personne souhaite changer la trajectoire de sa vie,
laissons la s’asseoir et méditer sur la vraie nature de toute chose.

Laissons la s’asseoir et voir de ses yeux de profonde sagesse les conceptions erronées qui sont à la racine de ses décisions ; voir pourquoi nous ne voulons pas suivre la voie qu’ont suivie les bouddhas avant nous. Voir que si nous abandonnons nos conceptions erronées,

Nos égarements sont alors comme la rosée du matin,
évaporés en un instant sous le soleil de la sagesse.

La sagesse, c’est celle que nous pratiquons maintenant en zazen, la sagesse immobile, celle où nous ne bougeons pas devant toutes les illusions qui se lèvent.
Tous les phénomènes qui arrivent à la conscience viennent du vide et retournent au vide. Pendant le temps où ils sont sous nos yeux, ils sont vides. Si on ne bouge pas devant eux, nous sommes libres.

Nos égarements sont alors comme la rosée du matin,
évaporés en un instant sous le soleil de zazen.

Quand bien même nous savons cela, si nous ne voulons pas les laisser apparaître et disparaître d’eux-mêmes, si nous ne sommes pas en accord avec la réalité de Bouddha, alors à ce moment-là notre zazen lui-même n’est pas le zazen de Bouddha.

Certaines personnes, en zazen, ne font que penser ou dormir. À la racine, il est nécessaire de vouloir se libérer du karma, de vouloir changer la trajectoire de sa vie, c’est-à-dire : abandonner les conceptions erronées qui habitent au plus profond de nous. En un mot : vouloir suivre les préceptes comme les bouddhas les ont suivis.

Les préceptes sont la racine profonde de la vraie sagesse, ce n’est pas quelque chose qui se discute. Les préceptes sont la racine profonde de la vraie sagesse. Notre zazen devient le zazen des bouddhas quand on s’assied avec la décision de suivre les préceptes. Lors de l’entrée dans la Voie, on nous rappelle que les kai (les Préceptes) sont la racine profonde de la vraie sagesse.
Protéger les kai, c’est purifier son corps, purifier son esprit.

Les kai sont les ultimes compagnons qui permettent de franchir les embuches de la Voie.

Les kai sont un inestimable trésor, le cœur de la liberté. Aussi, si tu veux la sagesse des bouddhas,

Protège les kai d’un esprit ferme et constant quitte à y perdre ta vie
et prend garde à ne pas les violer sinon tu sombreras dans le combat de la vie et de la mort. Si l’esprit, tel un cheval au galop, est lancé sur la voie du mal, il sera à jamais indomptable. Mais si tu es inflexible dans la pratique des kai,
tu pourras exercer un contrôle souverain sur la direction de ta vie.

Tu pourras changer la trajectoire lancée vers le mal. Une telle personne, dont la décision est inflexible, pourra aller au-delà de toutes les passions tristes et devenir libre sur la voie des bouddhas.

Ce ne sont là que quelques rappels de l’entrée dans la Voie.
Nous avons la chance de connaître la pratique enseignée par bouddha, aussi devons-nous la pratiquer et la faire connaître au plus grand nombre.

La pratiquer, cela veut dire : s’asseoir en zazen avec la ferme et inflexible décision de suivre les préceptes, de se libérer des trois poisons et de le faire au service de toutes les existences, la sienne y comprise.

Ne dites pas que la voie du Bouddha ne marche pas. Ne dites pas qu’elle est optionnelle. Pratiquez-la avec la ferme décision d’abandonner vos conceptions erronées.

mercredi 8 avril 2020

Pratique de zazen à la maison

La petite sangha de Brive est confinée mais poursuit Zazen chaque jour.
Chacun chez soi mais ensemble

Voici quelques photos de chez nous, version mini dojo.




Nos amis à 4 pattes sont souvent présents au moment des zazen





N'hésitez pas à partager vos photos, cela nous fera un bel album de nos lieux de pratique pendant cette période.

Bonne pratique et belle journée
Gasshô


dimanche 5 avril 2020

Kusen de Taiun - Abbé de Kanshoji

Chers amis,

En cette période de confinement où les dojos sont fermés et où Kanshoji n’accueille pas de visiteurs, vous avez été nombreux à nous demander des enseignements pour vous aider à maintenir le cœur du Dharma dans votre esprit.

C’est pourquoi nous avons décidé de vous envoyer régulièrement des enseignements tels qu’ils ont été donnés ces jours-ci à Kanshoji.
Voici donc dans son intégralité le kusen qui a été fait le 31 mars dernier.

En espérant que vous maintenez une bonne pratique, 
prenez bien soin de vous,

Taiun, abbé de Kanshoji.




Kusen 31 mars 2020:

"Quelqu’un m’a dit hier : « J’ai toujours peur que mon cœur ne se ferme. » Je réponds à cette personne : « Vous avez raison d’avoir peur, il n’y a pas pire que de fermer son cœur. Mais est-ce que cette peur est fondée ? » Elle me répondit : « Si je suis seule, je m’enferme en moi-même. J’ai besoin que quelqu’un me tende la main, me ramène dans la réalité de Bouddha, me maintienne en unité avec les existences. Sans l’aide de la sangha, sans l’aide de l’autre, j’ai peur que mon cœur ne se ferme. » Cela m’a touché profondément.
Normalement, un enfant a un père et une mère. C’est un peu schématique, mais dans la tradition, on pouvait le voir comme cela : le père donne une éducation, il vise à édifier l’enfant – la mère redonne sans cesse espoir à l’enfant qui faute et dont le cœur se ferme. Dans notre école, Maître Dôgen est représenté comme le père, Maître Keizan comme la mère. Nous sommes comme des enfants qui n’avons pas accédé à la réalisation, à la dimension de Bouddha. Mais parfois dans le monde, nous oublions notre père et notre mère.

Quand Ryokan a quitté sa famille pour devenir moine, il raconte : « Je n’oublierai jamais la sévérité – mais la droiture – de mon père. Je n’oublierai jamais non plus la tendresse et les larmes de ma mère… » Nous en revanche, nous oublions parfois la droiture et la sévérité de l’éminent Patriarche Dôgen et la chaude compassion du grand Patriarche Keizan.
Mais de toutes façons, Bouddha Shakyamuni nous rappelle que nous devons être notre propre lampe, même si l’image du père et celle de la mère s’effacent. Repensant à cette question – « J’ai peur que mon cœur ne se ferme. » –la seule réponse que je connaisse, c’est de faire sanpai. On dit que la Voie commence à sanpai et finit à sanpai. Poser sa tête enfiévrée sur le sol et refaire l’unité.

Dans de nombreux enseignements bouddhistes, il nous est dit que nous devons aller au plus profond de nous-même pour déraciner les conceptions erronées. Si nous avons fait une erreur et que nous ne voulons pas la reconnaître profondément, si nous n’en voyons pas les racines profondes, c’est pareil au chiendent. Si on laisse quelques petites racines de cette mauvaise herbe dans le champ, très vite le chiendent envahit la prairie. Il devient alors impossible de s’en débarrasser. Si l’on a peur que notre cœur se ferme, il faut regarder pourquoi il se fermerait.

N. nous a dit hier avec beaucoup de franchise : « Même quand j’ai tort, je peux maintenir une position fière, ne jamais vouloir reconnaître mes dysfonctionnements et au contraire continuer à avancer dans l’erreur. » Voilà pourquoi le Bouddha dit : « Pour une personne fière, il est quasiment impossible de pratiquer la Voie. » Sans cesse son cœur se refermera tant qu’elle n’aura pas abandonné ni reconnu son erreur, tant qu’elle ne sera pas allée à la racine.

Aussi lorsqu’une personne décide de se repentir, laissons-la s’asseoir et voir par elle-même ses propres erreurs sans s’y accrocher et les laisser s’évaporer à la lumière de la sagesse. N’ayez donc pas peur, à tout moment il est possible de revenir à la racine et de laisser s’évaporer ses mauvaises compréhensions, sa mauvaise foi – la mauvaise foi est celle qui ne reconnait pas ses erreurs – son orgueil, sa fierté qui empêchent les erreurs de s’évaporer.

Maître Deshimaru était très exigeant sur ce point. Si vous ne faites pas le vrai sanpai – pas le sanpai des apparences, pas un sanpai de façade, pas un sanpai intéressé, mais celui où véritablement votre esprit retourne à celui de l’univers – vous verrez sans cesse votre cœur se fermer et se refermer.

Donc s’il vous plait, portez un regard compatissant sur vos erreurs et permettez-leur de s’évaporer dans leur totalité.

C’est pourquoi je dis à cette personne : N’aie pas peur. Utilise le trésor qu’est le Dharma en toute situation, particulièrement lorsque tu es seule, enfermée, désespérée, sans recours extérieur.

C’est ce que nous dit Maître Ikkyu à sa façon : 

Imbécile que tu es, tombe à genoux et prie puisqu’hier, c’est demain."