jeudi 17 février 2011

Zazen

Le zen est à la fois très facile et très difficile. Très facile parce qu’il s’agit de l’expérience la plus simple, « seulement s’assoir », sans rien y ajouter, et qu’ainsi on réalise directement la plus haute dimension de l’être humain, la « religion d’avant la religion ». Très difficile parce que nous sommes compliqués, que nous sommes attachés à nos désirs, nos illusions, nos complications, que l’on n’aime pas abandonner notre ego…

En fait, quand on commence la pratique, nos motivations sont souvent multiples. En partie nous sommes animés par des questions essentielles mais nous sommes aussi  à la recherche d’un mieux pour notre ego. Ce peut être de résoudre des problèmes psychologiques, de se relaxer, d’acquérir plus de concentration, plus d’énergie, plus de calme, etc. Parfois on arriva aussi à la pratique par hasard, ou par curiosité. Si on continue la pratique, ce surplus tombe de lui-même…Il reste seulement la pratique, la posture de zazen, la posture d’éveil, dont chaque pratiquant ressent profondément l’authenticité dès le début.

Ce zazen, cette pratique de la posture transforme profondément notre vie. Il y a des bienfaits rapidement et clairement perceptibles et des changements plus profonds. Notre vie trouve un centre. Zazen, l’éveil devient le guide qui nous tire, mais qui également nous bouscule.

Zazen, nous bouscule d’abord physiquement. Au début de la pratique, la posture est presque toujours douloureuse, et même si  ces douleurs s’estompent progressivement, conserver une posture exacte demande toujours un effort. Nous devons donc apprendre à patienter, à supporter les difficultés physiques, à faire des efforts…

Zazen bouscule aussi nos croyances, il fait tomber nos illusions. Selon les individus cela ce réalise différemment.  Certains sont très attachés à leurs concepts, à leurs illusions. Ils aiment leurs propres problèmes, ils ont peur de perdre quelque chose en abandonnant ce a quoi ils s’agrippent…. (pourtant)  zazen ne propose pas de remplacer nos illusions personnelles pas d’autres illusions. C’est peut-être ce qui est le plus difficile. Nous sommes toujours à la recherche d’une nouvelle croyance, d’un nouvel objet extérieur que l’on pourrait saisir. Alors nous voulons ajouter quelque chose à zazen, nous aimerions que le zen soit bien défini afin d’y trouver un cadre et des règles bien  précises. En fait il y a de telles règles pour la pratique, par exemple, dans un temple, dans un dojo…d’ailleurs ces règles provoquent parfois des rejets, certains les trouvent trop strictes. Mais le zen ne propose pas d’interdictions, de règles précises de vie. Il y règne une atmosphère de grande liberté qui nait naturellement de la rigueur de la pratique. Cela est quelquefois déroutant pour ceux qui ont des idées préconçues sur ce que devrait être le zen. …

Si on laisse l’éveil se produire de lui-même, alors tout devient plus facile. Bien sûr, on ne résout pas tous les problèmes de sa vie comme par enchantement. Mais notre vie quotidienne change, notre présence, notre concentration dans chaque action, ici et maintenant, nos rapports aux autres, aux événements, à nos propres émotions se modifient en profondeur. En trouvant un centre, peu à peu nous découvrons la réalité telle qu’elle est et non plus au travers nos attachements, de notre conscience discriminante. Notre vie s’organise différemment. On dit que « zazen, c’est retrouver sa véritable demeure ».




Pierre Dokan Crépon : Pratiquer le zen. Ed Pocket 1996.