samedi 30 avril 2011

Les dix royaumes suite et fin...

Les bouddhistes ont donc classifié les conditions d’existence en plusieurs zones appelées les dix royaumes. Six d’entre eux correspondent au monde des illusions (voir article ci-dessous), les quatre autres appartiennent au monde des sages, au monde des êtres engagés dans la voie.

Ces quatre derniers états qui s’actualisent chez les êtres qui pratiquent la Voie sont:

- L’état de Sravaka, de disciple. On pense comprendre la nature de l’éveil, l’état de Bouddha, mais il s’agit d’une compréhension intellectuelle, d’une connaissance ou d’une intuition. Cette compréhension que l’on croit acquise n’est pas réalisée.

- L’état de Pratyeka-Bouddha, ou de Bouddha pour soi, ou de Bouddha solitaire. Cet état est le résultat d’une pratique solitaire, sans suivre un enseignement, sans confrontation avec d’autres pratiquants. On réalise un certain éveil, mais on s’enferme dans la rigidité, sans compassion pour les autres.


-L’état de Bodhisattva. Il correspond à l’idéal du bouddhisme Mahayana. L’esprit comprend la nature de l’éveil mais reste avec tous les autres êtres sensibles afin de leur apporter le salut.


-L’état de Bouddha. C’est l’état le plus élevé, l’éveil se réalise, il n’y a plus rien et tout s’accomplit librement.





Pendant zazen, comme pendant notre vie de pratiquant de la Voie, nous traversons sans cesse ces dix royaumes. Un zazen empli par la douleur et les pensées incessantes correspond à l’état de naraka. Le zazen où l’on est saisi par la torpeur, l’esprit sombrant dans les fantasmes sexuels est le zazen animal. Le zazen correspondant à la condition d’être humain est celui où, tout en étant correctement assis, on est absorbé par ses préoccupations quotidiennes que l’on essaye de résoudre. Celui de devas est l’état d'auto-contentement..


Les états de Sravaka et de Pratyeka-Bouddha sont ceux où l’on a la certitude de réaliser le véritable zazen, alors que la compréhension n’est qu’intellectuelle dans le premier cas, dogmatisme et rigidité dans le second. Les deux derniers états, Bodhisattva et Bouddha correspondent au zazen sans objet, à la conscience hishyrio.





Cette classification est issue de l’école Tendai du bouddhisme. Elle est cependant très intéressante pour approfondir et comprendre intimement les états que nous vivons en zazen et dans notre existence quotidienne. Ces états peuvent se succéder et dans le désordre au cours d’un même zazen. Cependant, il n’est pas nécessaire de se demander tout le temps quel état nous traversons. En se concentrant sur la posture et la respiration, ces états apparaissent et s’évanouissent d’eux-mêmes. Par le miroir de zazen, chacun de ces états retrouve sa liberté et devient la manifestation de la nature de Bouddha.


Pierre Dokan Crépon : «Pratiquer le zen» ed. Pocket.

mardi 26 avril 2011

Les dix royaumes

La philosophie bouddhiste a classifié les conditions d’existence en plusieurs zones appelées les dix royaumes. Six d’entre eux correspondent au monde de l’illusion, au monde des êtres ordinaires, au cycle de la naissance et de la mort (samsara). Ces six royaumes sont:

-Le naraka c’est-à-dire l’enfer. Dans cette condition, la souffrance morale et physique est omniprésente. L’esprit est tourmenté, noyé dans une perpétuelle confusion, le corps est brisé, torturé.


-Le royaume des pretas, ou esprits affamés. Les pretas (gakis en japonais) sont représentés par des êtres ayant un énorme ventre et une toute petite bouche, pas plus grande que le chas d'une aiguille. Continuellement affamés, ils sont entièrement possédés par la convoitise, l’envie, l’avidité, la jalousie.
Des pretas en action sur un emaki japonais du XIIe siècle (source wikipédia)

-Le royaume des animaux. Les êtres sont alors seulement guidés par des désirs animaux, désir de nourriture, désir de sexe, tandis que leur esprit est inerte, pris de torpeur.

 Asura in Kōfuku-ji , Nara , 734, japonais (source wikipédia)
-Le royaume des asuras, ou des guerriers, des êtres combatifs. L’agressivité, le désir de gagner, d’être le meilleur dominent dans cette condition d’existence.

-Le royaume des êtres humains. Les êtres sont occupés par les circonstances de la vie, la vie familiale, la vie sociale et professionnelle.

-Le royaume des devas, des divinités. Les devas sont de êtres célestes qui vivent dans la félicité, c’est une condition de bonheur personnel et d’auto contentement.

Ces six royaumes sont parfois compris comme les six états dans lesquels se réalisent les renaissances. En fonction de ses actes, de son karma, bon ou mauvais, on renaît dans l’une de ces conditions; par exemple, lorsque l’on fait preuve de cupidité toute sa vie, notre future naissance prend forme dans le royaume des pretas. L’ensemble forme la samsara, le cycle des renaissances. La condition de félicité des divinités fait partie de ce cycle.

En fait, dans l’enseignement réel du bouddhisme, ces états correspondent à des conditions transitoires de notre esprit que l’on traverse successivement, tant au cours de la journée qu’au cours de notre vie. Selon les individualités, selon les périodes de la vie, tel ou tel état peut prédominer. En se regardant soi-même, chacun peut comprendre qu’il est animé momentanément par l’une ou l’autre de ces conditions d’existence. Nous devons réaliser que, traversant chaque état nous voyons le monde au travers de cet état. Parfois nous le voyons avec les yeux de la souffrance, parfois avec ceux de la convoitise, du désir sexuel, de l’envie de gagner, de nos préoccupations familiales, de notre bonheur actuel. S’éveiller, c’est s’affranchir de cette vision conditionnée par un état transitoire...

A suivre (car si vous avez bien compté il nous reste quatre royaumes à évoquer).

P. Dokan Crépon: Pratiquer le zen. Pocket.

vendredi 15 avril 2011

L'esprit vaste.



Le Bouddha nous a offert cette image merveilleuse. Si vous versez une poignée de sel dans un bol d’eau, l’eau sera imbuvable, parce que trop salée. Mais si vos versez la même quantité de sel dans un fleuve, les gens pourrons continuer de boire son eau. Cet enseignement a été donné il y a deux mille six cents ans, quand on pouvait encore boire l’eau des rivières! De part son immensité, la rivière à la capacité de recevoir et de transformer. La rivière ne souffre aucunement d’une poignée de sel.

Si votre cœur est limité, vous risquez de souffrir à cause d’une seule parole ou d’un seul acte injuste. Mais si vous avez un grand cœur, s’il y a de la compréhension et de la compassion en vous, ces paroles ou cet acte n’auront pas le pouvoir de vous faire souffrir. Vous aurez la capacité de les recevoir, de les embrasser et de les transformer en un instant. Ce qui compte ici c’est votre capacité. Pour transformer votre souffrance, votre cœur doit être aussi vaste que l’océan…Le fait de souffrir ou non dépend de notre manière de recevoir ce qui est dit.


Tchich Nhat Hanh: « le cœur des enseignements du Bouddha » Pocket.

dimanche 3 avril 2011

Nous sommes énergie




Tout notre corps, notre esprit sont fait d’énergie. Alors pourquoi ne progressons-nous pas de façon manifeste ? La raison est qu’habituellement notre énergie est dissipée. Comme un flot partagé en des milliers de canaux qui lui font perdre sa force, notre énergie coule vers des objets innombrables, divisée dans de multiples directions. Bien qu'un peu de cette énergie aille dans la vie spirituelle, le reste va vers toutes sortes de choses qui vont à l'encontre de la vie spirituelle et l’on se sent déchiré et épuisé.

1) Nos énergies sont bloquées pour des raisons diverses : la frustration, la déception, la peur d'être blessé ou d'un conditionnement ou d’une éducation défavorable. Ainsi, nos énergies s'agglomèrent, durcissent et se pétrifient en nous. Par-dessus tout peut-être, l'énergie est bloquée par l'absence de vraie communication. La vraie communication a un effet dynamisant, presque électrifiant.

2) Nos énergies sont aussi simplement gaspillées, on les laisse se perdre à travers la complaisance d’émotions négatives : peur, haine, colère, malveillance, antagonisme, jalousie, apitoiement sur soi-même, culpabilité, remords, anxiété… tout ceci gaspille de l'énergie à un rythme catastrophique. Ce n'est pas juste une complaisance occasionnelle de notre part, nous n'avons qu'à nous rappeler les dernières 24 heures pour voir le nombre de fois où nous avons donné libre cours à ces états d'esprit, une véritable hémorragie ! Et puis, il y a les expressions verbales de ces émotions négatives : grogner, critique malveillante, répandre pessimisme et tristesse, trouver à redire, décourager les autres, commérages, faire des remarques continuelles, etc. Par tous ces canaux, l'énergie fuit et n'est plus disponible pour des buts spirituels.

3) Nos énergies sont trop brutes : on ne peut pas méditer avec ses muscles, même s'ils sont forts et puissants ; la méditation demande quelque chose de plus raffiné.

Pour arrêter le gaspillage d'énergie, on commence par prendre conscience que l'on se complaît dans des émotions négatives, il faut les arrêter par un acte de volonté.

Une autre façon de conserver l'énergie est d'introduire plus de silence dans notre vie. Une énorme quantité de notre énergie part dans la parole. Si l’on est silencieux un moment, quelques minutes, quelques heures, un jour peut-être, seul, tranquille chez soi, l'énergie s'accumule en soi merveilleusement et l'on se sent calme, paisible, conscient, attentif. C'est comme si une source d'énergie fraîche et claire brouillonnait à l'intérieur, pure parce qu'elle est contenue en soi, ne s'exprimant extérieurement d'aucune façon.

Quand ses énergies coulent toutes dans une seule direction, qu'elles ne sont plus divisées, le bodhisattva devient l'incarnation de l'énergie. En même temps, pas de précipitation, pas de tapage, pas d'impatience ou d'agitation, juste une activité continue et sans faille pour le bien de tous les êtres sensibles.

Extrait de 'The Bodhisattva Ideal', Sangharakshita, Windhorse Publications 1999